Planche 65, crayonnée.
Ce week-end, j'ai remis à Claude Gendrot, éditeur, les planches "aptes au service" évoquées la semaine dernière.
Entre le poisson de Loire et les profiteroles, nous nous sommes extasiés sur les plus belles d'entre elles, et avons tenté de trouver des circonstances atténuantes aux plus faibles.
Aptes elles étaient, aptes elles sont restées. Toutes ont cependant été encore une fois survolées par son œil de lynx.
On se déplace beaucoup à pied, dans les pages de "Lulu femme nue". Nous en avons donc profité pour disserter gravement sur les innombrables façons de dessiner un être humain qui marche. Après en avoir tiré des conclusions étourdissantes de pertinence, nous nous sommes chicanés sur quelques virgules nécessaires (au goût de l'éditeur) ou superflues (à celui de l'auteur). J'ignore s'il existe en France une "Association des connaisseurs et amis de la virgule", mais si cette noble confrérie a été fondée par quelques amoureux de la langue française, je peux leur indiquer le nom d'un gars absolument intarissable sur les vertus de ce modeste signe de ponctuation.
Cette joute verbale n'a été interrompue que par les soupirs exaspérés de la serveuse, qui nous ont permis de constater que, depuis un temps que nous fûmes incapables d'estimer, nous étions les derniers clients encore en salle.
Une terrasse et le soleil d'octobre ont donc accueilli la suite de la discussion qui a pu aborder quelques sujets plus prosaïques, parmi lesquels figuraient les délais ultimes que m'octroyait Futuropolis pour réaliser les dernières pages, la promotion du livre à venir, l'état du marché (eh oui...) de la bande dessinée et même celui du monde en général.
Après quoi, nous nous sommes séparés. J'ai observé l'éditeur regagner sa voiture en serrant sous son bras ce modeste carton qui contenait plus d'un an de travail. Le supposant plus compétent en grammaire qu'en close-combat, j'ai empêché de s'installer en moi l'idée qu'il pourrait se faire dévaliser sur le parking.
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