Aujourd'hui, sur ma table de travail, Lulu a dû céder sa place à Geronimo, tome 3, dont j'ai découpé une scène, pour Joub.
Dans la profusion éditoriale qui fait rage ces temps-ci, comment assurer la visibilité médiatique d'un livre?
Un petit malin a trouvé la solution.
Il a commis un ouvrage que je n'ai pas lu, et que je ne lirai sans doute pas.
Sans être impoli, je me hasarderai simplement à supposer qu'il ne s'agit pas d'un ouvrage majeur de la littérature française contemporaine. Son auteur n'a rien d'ailleurs écrit auparavant qui soit incontournable. Et lui-même, doté d'une modestie toute neuve, en conviendrait sans doute humblement.
Certes, l'individu est fréquemment présenté comme un homme plus intelligent que la moyenne, ce qui, si je puis me permettre, est très possible mais ne change rien à l'affaire.
Son petit livre bénéficie pourtant d'un présence médiatique sans égale. Impossible ces jours-ci d'allumer une radio sans entendre sa belle voix grave, ou de ne pas croiser sa calvitie célèbre en ouvrant un journal.
S'est-il octroyé les services d'une attachée de presse bourrée d'amphétamines? A t-il hypnotisé la moitié des titulaires de la carte de presse de ce beau pays?
Pourrions-nous, nous aussi bénéficier de la même attention complaisante pour nos petits bouquins?
Bien sûr. C'est très simple, amis auteurs. Voici la méthode:
Arrangez-vous d'abord pour devenir Premier Ministre. Affichez dans le cadre de cette fonction la froideur et la raideur d'un aristocrate que les récriminations du peuple excèdent. Faites un détour (rapide) par les tribunaux. Enchaînez par quelques mois à l'étranger pour vous faire oublier. Revenez en France, faites-vous élire aux commandes d'une ville cossue de province. Abandonnez les austères costumes gris que vous affectionniez jadis, au profit de confortables pull-overs qui feront très bien sur la photo, surtout si vous remplacez votre limousine noire par un élégant vélo hollandais.
Découvrez tardivement mais rapidement les méfaits de l'ultra-libéralisme (dont vous étiez pourtant un apôtre fervent) et les bienfaits (électoraux) d'une écologie molle.
Battez votre coulpe. Et faites de tout ça un livre un peu sentimental où vous laisserez apparaître délicatement (et avec pudeur) le gentil petit oiseau qui sommeille sous le cuir tanné du tueur politique. Affublez l'objet d'un titre qui résumera pesamment le propos. Par exemple "Je ne mangerai plus de cerises en hiver".
Et hop, à vous tous les plateaux télés.
Quelques journalistes, les moins engourdis par cette métamorphose, suggéreront peut-être que le but de toute cette manœuvre, n'est-ce pas, Alain Juppé, n'est que de préparer le remplacement du vulgaire petit voyou qui a pris votre siège à l'Élysée.
Il vous suffira de nier avec le sourire.
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