Ce matin, mise en couleurs de la planche 38. Besogne laborieuse et interminable, effectuée sans plaisir. Cette page ne pourra pas quitter mon atelier sans être largement remaniée.
Le sentiment d'échec ponctuel que j'éprouve en travaillant se propage à l'ensemble du livre. Et je finis la planche avec la certitude que ce second volume ne sera pas à la hauteur de ce que j'en attendais alors que déjà, j'entends au loin le pilon se mettre en marche.
Cet après-midi, crayonné de la planche 39. La mine file sur le papier. Les cases s'enchaînent. Des idées nouvelles se proposent et s'insèrent comme par magie dans la trame narrative. Quelques difficultés sont franchies avec juste ce qu'il faut d'effort pour que le combat soit plaisant. Les dialogues, dont je n'avais qu'une très vague idée se posent précisément sur les cases, comme s'ils m'attendaient quelque part depuis longtemps. Je termine ce crayonné en fredonnant, certain que ce livre, ha ha, sera une pierre blanche dans l'histoire mondiale de la bande dessinée.
Depuis toujours j'affronte les montagnes russes de cette capillarité imbécile: Le sentiment que j'éprouve en réalisant les détails d'une planche contamine ma perception globale du livre en cours.
Et donc, comme à chaque fois, quand, à moitié étourdi, j'aurai signé la dernière case de la dernière page, je serai absolument incapable de répondre quoi que ce soit de sensé à celui qui me demandera si je suis content de mon travail terminé.
Et il ne me croira pas.