jeudi 5 février 2009

"Élitisme"

Comme après chaque palmarès charentais, les ondes engendrées par les choix du jury font frissonner le (tout) petit monde de la bande dessinée.
Le plus souvent, ce débat crapote au ras du gazon à grands coups de « J’aime », « J’aime pas ». Certains hurlent à la cécité du jury qui a encore oublié leur idole dans sa liste. On évoque le copinage et ses ravages. On se félicite du choix d’untel, on ricane d’un air supérieur devant tel autre.
Il arrive même que s’amorcent des débats instructifs sur ce que la sélection annuelle nous dit de l’état de la bande dessinée.
Et puis, invariablement, au bout de quelques jours, ce petit pugilat s’essouffle dans l’indifférence générale et chacun retourne à ses occupations.

Cette fois encore, vieille rengaine immémoriale, on accuse le jury d’avoir fait preuve, dans ses choix, d’ « élitisme ». Ha le vilain mot.



Et comme, cette année, cette accusation me concerne aussi en tant que lauréat, je voudrais préciser ceci :
Je ne m’adresse pas à un « public », mais à un lecteur, et pour être plus précis, à UNE personne.
Un livre, tel que je le conçois, c’est ça : une personne qui parle à une autre personne. Si vous lisez ce blog, je suppose que vous êtes cette personne.
Et, pardonnez-moi, je me fous de votre situation sociale, de vos revenus et de votre niveau d’éducation.
Et si l’élite, par définition, est un groupe restreint d’individus, elle ne m’intéresse pas plus que ça (d’ailleurs, à la lecture de ces propos, ma maison d’édition et mon banquier opinent frénétiquement du chef).

Je peux concevoir que Lulu femme nue soit considéré comme un projet assez conventionnel par les tenants d’une bande dessinée très radicale. Je peux même, dans une certaine mesure, être d’accord avec eux.
Mais pour qualifier Lulu femme nue de livre « élitiste », il faut avoir, de la bande dessinée, une conception foutrement étriquée et lui assigner un bien médiocre destin.
On perçoit aussi dans cette posture un mépris réel pour le lecteur et pour ce qui lui suffirait et ça, c’est plus emmerdant.

Ceux qui me lisent et les visiteurs réguliers de ce blog ont sans doute compris que je nourris bien peu de certitudes quant à mon travail.

Mais dans mes rêves les plus optimistes, j’aime espérer que mes livres s’adressent à la plus belle part de vous-même.

À votre élite.

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